La résilience est une notion empruntée à la physique des matériaux. Un matériau résilient est un matériau qui retrouve son état initial après une déformation.
La résilience en écologie, c’est la capacité d’un écosystème à encaisser les effets des perturbations extérieures, à y survivre. Clairement, c’est un concept d’actualité compte tenu du monde dans lequel nous vivons : pluies diluviennes, températures caniculaires, appauvrissement de la biodiversité, pollutions diverses, exploitation rapide des ressources naturelles… C’est à mon avis l’occasion de se questionner vraiment sur notre rapport au vivant, alors c’est parti : définition et critères pour un jardin résilient…
Résilience : définition
En créant mon entreprise Midori, j’ai choisi de concevoir des jardins que j’ai qualifié de « résilients » et j’en ai même fait le slogan. Pour tout dire, j’ai hésité avec quelque chose comme « jardins vivants », car à mes yeux, c’est presque synonyme. Parce que là où il y a de la vie, il y a un élan pour dépasser les obstacles. Résilient, c’était à mes yeux le mot qui représentait le mieux mes intentions : créer des jardins qui soient pensés au plus juste, qui tirent parti de leur environnement, qui soient bien adaptés aux besoins réels des familles qui vont en profiter, qui proposent des plantations astucieusement organisées et imaginées pour être pérennes et belles malgré des épisodes climatiques compliqués (gelées tardives, sécheresse, pluies torrentielles…). En somme, des écrins de nature qui permettent à chacun de profiter de son extérieur, de se reconnecter à son environnement proche, et de participer activement à la protection de la faune et de la flore, à son échelle.
Un jardin résilient, ce serait donc un jardin qui reste beau, intéressant et/ou productif malgré les perturbations climatiques et/ou humaines.
Pour arriver à ce résultat, il convient à mon sens de prendre conscience qu’en tant qu’humain nous pouvons avoir un rôle bénéfique sur les écosystèmes qui nous entourent, dont nous faisons partie intégrante. Nous pouvons faciliter la tâche à Dame Nature, éviter de lui mettre des bâtons dans les roues. Elle se débrouille généralement très bien toute seule, pour peu qu’on lui laisse la place de s’exprimer :-).
Voyons maintenant 4 idées qui permettent de cheminer vers la résilience au jardin.
Critère n°1 : une conception simple et sobre, alignée à ses besoins
Première idée, je vous propose d’oublier tout ce que vous croyez savoir sur les jardins. Oubliez ce à quoi un jardin est censé ressembler, que ce soit au niveau :
- des fonctions que le jardin est censé assurer : l’espace de repas, le barbecue, le potager, la grande terrasse, la pelouse pour jouer au ballon, les haies de 2 m persistantes pour séparer des voisins…. Oubliez tout ça
- des plantes qui sont réputées belles et désirables et qui sont donc censées d’y trouver
- des systèmes qui sont censés l’équiper et des outils que vous êtes censé posséder : l’arrosage automatique, le tracteur tondeuse, la grelinette, le plantoir à bulbes,… que sais-je encore
Oubliez tout, oubliez ce que font vos voisins et amis, et réfléchissez à ce que vous souhaitez vraiment faire dans cet espace. On va partir de vos besoins à vous, réels et actuels, et de vos contraintes personnelles. Inutile d’entretenir 300 m2 de pelouse si vous ne jouez jamais au ballon ou si cette pelouse n’a aucun intérêt dans la composition du jardin.
Ok, mais concrètement…?
Pour vous aider dans la réflexion, voici une liste non exhaustive des fonctions possibles d’un jardin : un jardin nourricier, pour jouer, pour se reposer ou rêvasser, pour recevoir, cuisiner et manger dehors, pour l’agrément des sens (vue, ouïe, goût, odorat…), pour (se) soigner (jardins thérapeutiques), « utile » (des plantes tinctoriales, des plantes pour la vannerie, etc), pour servir ses ambitions écologiques, pour accueillir des animaux…
Evidemment, plusieurs réponses sont possibles… Qu’attendez-vous vraiment de votre jardin ? Quel effort (en énergie, temps, argent) êtes-vous vraiment prêt à faire ?
Critère n°2 : des plantes adaptées
Deuxième idée : votre jardin se situe dans une zone géographique dont les conditions climatiques sont bien spécifiques. Cela veut dire qu’il existe autour de chez vous une faune et une flore indigène qui sont parfaitement adaptées aux conditions climatiques de votre jardin. Il existe également tout un tas de plantes acclimatées d’origine étrangère plus ou moins lointaine, qui savent parfaitement vivre dans les conditions pédologiques (liées au sol) et climatiques de votre jardin.
Donc on choisit des plantes adaptées au climat et au sol de son jardin. On en a déjà parlé ici. En faisant ce choix, vous vous donnez également plus de chances de voir certaines de vos plantes s’adapter aux changements climatiques en cours, génération après génération.
(Nota : on démêlera dans un futur article les provenances et les enjeux liés aux plantes : plantes locales ou indigènes VS plantes exogènes, plantes invasives/désirables/indésirables, plantes sauvages VS horticoles…vaste sujet, très vaste sujet)
Critère n°3 : laisser de la place au sauvage, au spontané
Je le disais plus haut, s’il y a bien quelque chose qui caractérise les espaces sauvages ou peu touchés par l’Homme, c’est bien l’élan de vie qui s’y manifeste. Dès que l’Homme interrompt son contrôle sur un espace, des plantes poussent dans les interstices, la petite faune et la micro faune se développent et prennent de la place. Et le tout s’équilibre petit à petit. Chaque pièce du puzzle de l’écosystème à sa place. Ni trop ni trop peu.
Un exemple vécu (vous allez devoir me croire sur parole, j’ai oublié de prendre une photo…)
Fin août, je suis allée visiter une maison à rénover dans une zone pavillonnaire. Celle-ci était abandonnée depuis 2, peut-être 3 ans.
J’ai été scotchée par le jardin : sur la majorité du jardin, de l’herbe un peu haute bien grasse et bien verte, des plants de consoude aux larges feuilles, des brassées de tanaisie jaune pétant très joyeux, les silhouettes sèches des berces (très décoratives), des tapis de menthe odorante de plusieurs mètres carré, un ilôt de ronces garni de mûres délicieuses. Alors évidemment, en toute honnêteté il y avait aussi une partie du jardin moins sympa : l’accès à la maison, inaccessible tellement les herbes étaient hautes, drues et piquantes, ou à cause des guêpes et des frelons sur les fruits tombés au sol du vieux poirier tordu.
De l’autre côté de la rue, je jette un oeil sur les jardins des voisins : tondus ras, pelouse jaune aspect paillasson, haies taillées au carré. C’était « clean », et mort…
Alors évidemment sur le jardin de cette maison, il fallait faire quelque chose pour le poirier, et évidemment, il fallait faucher les herbes bien trop hautes et piquantes gênant l’accès.
Mais ce qui était évident aussi, c’est que 2/3 tiers du jardin étaient parfaitement équilibrés et offraient naturellement des fruits, des herbes aromatiques, de la fraîcheur, un intérêt esthétique indéniable. J’ai eu envie d’installer une petite terrasse en bois au milieu de tout ça ou quelques pas japonais, juste pour pouvoir observer et profiter sans tout écraser. Je me suis dit que typiquement, sur ce jardin, ça valait le coup de laisser la place à ce qui était déjà là, et vivait harmonieusement depuis 3 ans. C’était déjà joli et productif, pour zéro entretien… Laissez un coin sauvage au jardin, vous pourriez être surpris !
Critère n°4 : un entretien éclairé
L’un des grands enjeux d’un jardin, c’est son devenir. Concevoir et créer un jardin, cela vous occupe quelques jours/semaines/mois… allez, mettons une année. Mais après ?
Je reste persuadée que la question de l’entretien est capitale et qu’il faut absolument la garder à l’esprit quand on commence à s’occuper de son jardin, à le modifier. Surtout que globalement, la phase de création est ridiculement courte au regard de la vie du jardin. Donc tout commence après les premières plantations, surtout pour un jardin résilient. Plus vous en ferez, et plus vous vous agitez, moins le jardin sera résilient : eh oui, car cela voudra dire que ce jardin dépend un peu trop de vous… Votre job c’est d’être juste assez présent pour orienter les choses, « toiletter » les plantes, et travailler le plus possible avec les dynamiques naturelles en place…
Quelques qualités à cultiver pour un entretien éclairé…
- Etre observateur : passez du temps dans votre jardin, observez le développement des plantes, regardez les insectes, voyez si de nouvelles plantes ou animaux colonisent les lieux. Notez tout ça dans un carnet, ça pourra vous être utile… cela vous aidera à comprendre l’évolution de l’écosystème de votre jardin
- Etre curieux : cherchez à comprendre ce qui se passe, pourquoi tel insecte apparaît, quel est ce papillon ? Comment telle plante se propage ? Faites des tests en gardant une zone témoin pour comparer …
- Etre un peu paresseux : voyez si vous pouvez en faire moins en étant toujours content du résultat, peut être que cela passe par d’autres techniques de jardinage, peut-être que cela passe par un changement de regard sur votre jardin…
- Rester souple et ouvert d’esprit : souvent, la réalité sera différente de ce que vous aviez anticipé, donc prenez en compte la réalité du terrain, ce qui s’est vraiment passé. Ne vous entêtez pas sur ce qui ne marche pas, et essayez des choses différentes…
Voilà, j’espère que cet article aura été éclairant sur l’état d’esprit à adopter pour cheminer vers un jardin résilient, qui reste beau et satisfaisant sur le long terme. Si vous avez besoin d’aide pour déterminer vos besoins et affiner votre regard sur votre environnement, nous pouvons toujours en discuter lors d’un premier rendez-vous sans engagement : c’est ici.
2 réponses
Je viens de dévorer les 4 articles et toute mes félicitations. Le style d’écriture est fluide, très agréable à lire et le ton est tellement bienveillant. Bravo.
Très sensibles également à la perma et à la culture Japonaise, je vais devenir un lecteur assidu de tes articles de qualité.
Très bonne continuation
Maxime
Bonjour Maxime, quelle belle surprise de te lire 🙂 et merci infiniment pour ton commentaire super encourageant qui me va droit au coeur ! A bientôt donc, pour de nouveaux articles 😉